Repérer un faux email professionnel : Analyse pour les entreprises face aux attaques ciblées
Le faux email professionnel – aussi appelé phishing ciblé ou spear phishing – est une technique redoutablement efficace. Son objectif ? Usurper l’identité d’un collaborateur, d’un fournisseur ou d’un supérieur hiérarchique pour extorquer des données sensibles, détourner des paiements ou propager un malware.
Les cyberattaques par email ont radicalement évolué. Désormais, les cybercriminels professionnels ne commettent presque aucune erreur de forme : leurs courriels sont parfaitement rédigés, techniquement crédibles, et souvent contextuellement adaptés à leur cible. Ce type d’attaque, connu sous le nom de Business Email Compromise (BEC) ou de fraude au président, cause des milliards d’euros de pertes annuelles.
Dans ce contexte, savoir identifier un email malveillant même lorsqu’il est techniquement impeccable devient une compétence stratégique pour toute organisation.
1. Analyse de l’adresse de l’expéditeur : l’apparente légitimité
Les attaquants professionnels investissent dans des noms de domaine ressemblants (domain spoofing ou typosquatting) ou usurpent des adresses via des services SMTP mal configurés.
Exemple de faux domaine visuellement crédible :
@exanple.com
au lieu de@example.com
Utilisation de domaines tiers compromis : adresse d’expéditeur légitime mais envoyée via un serveur piraté. Comme le domaine appartient à une organisation réelle et réputée, les filtres anti-spam et les utilisateurs ont plus de chances de faire confiance au lien.
🛡️ Mesure préventive :
Les en-têtes SMTP
Un email ne contient pas seulement du texte : il a aussi des en-têtes (headers).
Ces en-têtes sont comme la carte d’identité de l’email :qui l’a envoyé,
par quels serveurs il est passé,
s’il est authentifié correctement.
Mais un pirate peut falsifier certaines infos. D’où la nécessité d’un contrôle rigoureux.
SPF, DKIM et DMARC (les “gardes de sécurité”)
Ce sont trois systèmes qui aident à vérifier si un email est vraiment légitime :
SPF (Sender Policy Framework)
→ Vérifie si l’email vient bien d’un serveur autorisé par le domaine de l’expéditeur.
(Exemple : si tu reçois un email debanque.com
, SPF regarde si le serveur qui l’a envoyé figure dans la liste approuvée parbanque.com
.)- DKIM (DomainKeys Identified Mail)
→ Ajoute une signature numérique dans l’email. Comme une signature manuscrite, mais informatique.
Cela garantit que le message n’a pas été modifié en chemin.
- DMARC (Domain-based Message Authentication, Reporting & Conformance)
→ DMARC est un protocole de sécurité email qui permet aux propriétaires de domaines de définir comment traiter les messages échouant les contrôles SPF et DKIM. Il aide à lutter contre l’usurpation d’identité” (exemple : rejeter, mettre en spam, ou accepter quand même).
- DMARC (Domain-based Message Authentication, Reporting & Conformance)
Ce qu’on attend d’un email “normal” :
Un email légitime devrait :
passer SPF ✅
passer DKIM ✅
avoir un DMARC conforme (donc les deux vérifications sont cohérentes).
Dans les résultats techniques, on doit voir “pass” = tout est OK.

2. Un contenu contextuel, personnalisé, et techniquement crédible
Les attaques ciblées de type spear phishing s’appuient souvent sur des données préalablement collectées :
Nom et poste du destinataire
Noms de collaborateurs internes
Informations sur des fournisseurs ou clients
Ces éléments sont utilisés pour intégrer l’attaque dans un contexte réel, souvent lors de moments critiques (clôture comptable, absence du DAF, départs en congés, changement de logiciels, etc.).
🔍 Signaux à surveiller :
Changement soudain de tonalité dans la communication
Email initié par un dirigeant peu habituel dans l’opérationnel
Demande sensible couverte par un faux prétexte “confidentiel”
3. Faux email professionnel : "Des demandes dérogeant aux procédures établies"
Les attaquants exploitent les failles dans les processus métiers :
Virement bancaire vers un nouveau compte fournisseur prétendument urgent
Accès à un portail sécurisé falsifié demandant des identifiants professionnels
Demande d’envoi de documents confidentiels : registre de paie, contrats, bases de données RH
🎯 Technique d’ingénierie sociale fréquente : introduire subtilement un nouveau process ou prétendre à une mise à jour de sécurité interne (ex. “votre système va être migré vers un nouvel environnement Microsoft Azure, veuillez valider votre identité”).
✅ Réflexe professionnel : toute dérogation à un processus établi (double validation, procédure de vérification fournisseur, etc.) doit déclencher une alerte automatique ou un processus de confirmation hors bande. (vérification d’identité ou d’action effectuée via un canal distinct de celui utilisé pour l’opération initiale : ex. appel ou SMS pour confirmer une transaction en ligne).

4. Contournement des outils de sécurité classiques
Les cybercriminels sophistiqués savent échapper aux filtres anti-spam et aux systèmes d’alerte traditionnels. Pour cela, ils :
Utilisent des services SaaS tiers pour héberger les faux formulaires (Google Forms, Dropbox, Notion…)
Masquent les URL malveillantes via des raccourcisseurs ou des redirections multiples
Hébergent les pages frauduleuses sur des domaines à durée de vie très courte (Fast Flux DNS)
🧠 Outils d’analyse recommandés :
Sandbox de navigation pour vérifier le comportement réel des liens
Analyse statique des pièces jointes via antivirus avancé ou solution EDR (Endpoint Detection and Response) est un outil de cybersécurité qui détecte, analyse et répond en temps réel aux menaces sur les terminaux (PC, serveurs, mobiles).
Vérification de réputation des domaines via des services spécialisés (VirusTotal, URLscan.io)
5. Étude comportementale : quand l’email ne correspond plus au style de communication habituel
Un email peut être parfaitement rédigé, sans fautes ni incohérences apparentes, mais ne correspondre ni au ton, ni au style habituel de son auteur. C’est souvent dans cette analyse comportementale fine que réside la clé.
📈 Outils professionnels d’aide à la détection :
IA d’analyse de style d’écriture (stylométrie)
Plateformes SIEM intégrant la détection d’anomalies comportementales
Historique de communication pour établir un “profil d’écriture”
6. Faux email professionnel : Validation des signatures numériques et chiffrement
Les communications officielles au sein d’une organisation ou avec des partenaires critiques devraient idéalement être :
Signées numériquement (S/MIME ou PGP) garantissent l’authenticité et l’intégrité des emails en confirmant l’identité de l’expéditeur et en empêchant toute altération du message.
Chiffrées bout-à-bout, notamment pour les flux contenant des informations financières, RH ou techniques sensibles
Une absence soudaine de signature électronique ou un changement dans le certificat utilisé doit alerter.
7. Faux email professionnel : Mise en place de contre-mesures et sensibilisation des équipes
🎓 Sensibilisation ciblée :
Formation des équipes comptables et des fonctions dirigeantes aux scénarios de fraude avancée
Simulations de phishing réalistes orientées contexte métier
Mise à jour régulière des procédures de contrôle et de double validation
🔐 Sécurisation technique :
Renforcement des protections de messagerie (Microsoft Defender for Office 365, Proofpoint, etc.)
Intégration d’un SOC ou d’une solution XDR pour analyser les signaux faibles
(MFA) L’implémentation systématique de la MFA consiste à exiger plusieurs facteurs (mot de passe + code SMS, appli, biométrie, etc.) pour renforcer l’authentification des utilisateurs.
Le faux email professionnel, maillon critique de la cybersécurité d’entreprise
Un faux email professionnel bien conçu ne présente aucun défaut visible à l’œil nu. Sa détection repose désormais moins sur la forme que sur le fond : la logique de la demande, le contexte métier, et la conformité au cadre organisationnel.
Face à des attaquants hautement qualifiés, la sécurité de la messagerie ne peut reposer uniquement sur la technologie. Elle doit s’appuyer sur une conscience collective, des processus rigides, et une analyse comportementale de plus en plus fine. L’objectif n’est plus seulement de bloquer un email douteux, mais d’élever le niveau de maturité cyber de l’ensemble de l’organisation.